Michel Villey et les formes contemporaines du droit naturel

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Sommaire de l'article

Pierre-Yves Quiviger

Le texte expose une double critique adressée par Michel Villey aux formes contemporaines du droit naturel : sa confusion par rapport au projet positiviste (le droit naturel contemporain n’est pas vraiment du droit naturel, mais est englué dans le droit positif) d’une part et, d’autre part, son obscurité par rapport aux questions morales (le droit naturel contemporain n’est pas vraiment du droit). La conclusion paradoxale de ce propos est que les positivistes auraient, au moins pour certains d’entre eux, avantage à lire Villey car, sur ces deux points, il rejoint les thèses défendues par une partie du courant positiviste. Michel Villey présente néanmoins au bout du compte pour le positivisme juridique l’inconvénient d’être un adversaire plus coriace que les formes molles et humanistes d’un certain droit naturel contemporain.

L

a relation que Villey entretient avec le jusnaturalisme est souvent mal comprise – il en a fait les frais et ceux qui ont, aujourd’hui, l’étrange idée de revendiquer une partie de son héritage, en font aussi les frais, dans la mesure où, défendant une conception qui s’inscrit, et matériellement, et formellement, dans le champ des théories du droit naturel, il se retrouve, (comme ses héritiers plus ou moins hétérodoxes) en position d’être confondu avec la forme dominante du droit naturel dont il est et dont nous sommes encore les contemporains. Tout se passe comme si l’on ne voulait pas entendre qu’en critiquant à la fois le positivisme juridique et les formes contemporaines du droit naturel, Michel Villey critiquait « aussi » les formes contemporaines du droit naturel. À cet aveuglement – commode –, on peut trouver deux explications : l’une triviale, l’autre, pour ainsi dire, transcendantale. L’explication triviale est que dans la mesure où Villey est un auteur contemporain, et qu’il est incontestablement un jusnaturaliste, alors il s’inscrit dans ce qu’on peut appeler le droit naturel contemporain, et que cette catégorisation, incontestable dans sa trivialité historique, dissimule une distinction plus subtile, au sein du jusnaturalisme, entre sa forme villeyienne et sa forme dominante. Bref : le genre primerait sur l’espèce. L’explication transcendantale, qui ne s’oppose pas à l’explication triviale, et qui, dans une certaine mesure, en est la cause première, tient elle à ce qu’on peut considérer comme l’empire du positivisme juridique (je dirais pour ma part : la fortune du mot, plus que la victoire incontestable de l’idée), empire dont l’hégémonie est telle – et le ridicule qu’il y a pour beaucoup à vouloir s’en démarquer – que c’est l’image du droit naturel défendu par le positivisme juridique qui donne son acception à tout emploi des termes « droit naturel », et les range dans la même boîte, et interdit de voir la variété présente au sein des boîtes. De même qu’on dit que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire, la victoire totale du positivisme juridique dans le monde des juristes conduit à rendre proprement invisible tout ce qui dans le jusnaturalisme de Villey correspond à une destruction méthodique du jusnaturalisme contemporain.

Mon propos, dans un tel contexte historique et intellectuel, est relativement simple : il s’agit pour moi de réactiver une double critique adressée par Villey aux formes contemporaines du droit naturel – sa confusion par rapport au projet positiviste (le droit naturel contemporain n’est pas vraiment du droit naturel, mais est englué dans le droit positif), d’une part, et, d’autre part, son obscurité par rapport aux questions morales (le droit naturel contemporain n’est pas vraiment du droit). La conclusion paradoxale de mon propos est que les positivistes auraient, au moins pour certains d’entre eux, avantage à lire Villey car, sur ces deux points, il apporte plutôt de l’eau à leur moulin. Évidemment, Villey présenterait alors l’inconvénient d’être un adversaire plus coriace que les usual suspects du droit naturel contemporain, qui constituent de commodes faire-valoir pour le positivisme juridique – rappelons qu’« à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ».

Pour comprendre exactement la thèse de Villey, repartons de choses simples et prenons quelques secondes pour redéfinir ce qui est évident. Le droit positif correspond à l’état présent du droit, en particulier sous son versant normatif : la série des lois, des règlements, en vigueur dans un pays donné, à un moment donné. Le droit naturel correspond lui à un droit qui n’est pas en vigueur, qui se distingue du droit positif, sans nécessairement s’y opposer (il peut le fonder, le justifier, l’éclairer et pas seulement le critiquer et en montrer les limites). Ces deux notions, droit naturel et droit positif, doivent être distinguées de deux doctrines, elles-mêmes très variées et aux acceptions souples, le positivisme juridique et le jusnaturalisme. Le positivisme juridique défend l’idée qu’il n’y a pas de juridicité en dehors du droit positif. La position jusnaturaliste défend l’idée que la réflexion juridique a besoin de ce droit qui dépasse le seul droit positif, et qui porte le nom de droit naturel. Il y a une dissymétrie évidente des doctrines : le positivisme juridique considère que le droit naturel n’existe pas dans le champ du droit ; le jusnaturalisme ne considère évidemment pas que le droit positif n’existe pas dans le champ du droit : le jusnaturalisme ajoute un second élément dans le champ du droit, qui se divise ainsi en droit positif et droit naturel, sans toucher au droit positif. Précisions néanmoins qu’un certain jusnaturalisme, comme celui que défend Michel Villey – mais ce n’est pas le cas de toutes les positions jusnaturalistes – affirme que certains éléments du droit positif ne sont pas du droit, au sens où leur consécration par l’ordre positif n’entraîne aucun effet juridique et où leur essence n’est pas conforme à l’essence du droit que le droit naturel permet de construire. Une telle posture est en toute rigueur impossible si on défend une conception positiviste radicale, puisque cette conception supposerait qu’on fasse un pas de côté par rapport au droit positif, pas de côté dans un espace qui n’est pas celui du droit positif qui est pourtant, dans le positivisme radical, le seul espace du droit.

Une fois ces définitions élémentaires posées, je voudrais reformuler en les détaillant les deux versants de la critique que Villey adresse au droit naturel contemporain, en les inscrivant dans le cadre de deux thèses fortes, qui constituent à mes yeux l’apport essentiel de la philosophie du droit villeyenne à la théorie du droit.

La première thèse affirme la nécessité de distinguer droit naturel et morale en pointant les risques d’anthropomorphisme et d’anthropocentrisme d’un droit naturel confondu avec la morale.

La seconde thèse est que la « moralisation » du droit naturel procède d’une conception positiviste de la juridicité.

Pour contextualiser les deux thèses que je prête à Villey, il convient de rappeler qu’il y a encore beaucoup de défenseurs du droit naturel, malgré la puissance qu’exerce sur les esprits le positivisme juridique. Ainsi, rencontre-t-on volontiers des promoteurs de ce qu’on appelle les « droits de l’homme » ou des défenseurs acharnés d’un projet « humaniste » universel du droit, ayant vocation à valoir pour tout homme, en tout lieu, dans toute nation. Pour Villey, ce droit naturel est en fait la partie la moins défendable du positivisme juridique. La partie qui n’assume pas son scepticisme et qui, à la place, consacre comme « droit naturel » une conception individualiste et foncièrement anti-juridique du droit. Seule mérite le nom de « droit naturel » une pensée du droit qui s’appuie sur la nature, une nature qui ne se contente pas d’un imperium in imperio naïf, une nature qui ne sert pas de prétexte à la défense de la dignité humaine ou des intérêts politiques globaux – en bref, une nature qui englobe celle-ci entendue comme définition et celle-ci entendue comme totalité.

En suivant Villey, on aboutit à la nécessité de distinguer deux visions du droit strictement incompatibles. La première s’appuie sur la nature humaine, en cherchant à définir le droit à partir des qualités qui paraissent propres à l’humanité : rationalité, dignité, liberté, entre autres. Comme le droit est une réalité universelle qui concerne des relations entre des êtres humains, il s’agit ainsi de construire un droit susceptible de valoir pour tout être humain ou plus exactement pour tout groupe d’êtres humains. Le terme « construction » est éminemment impropre, puisqu’on comprend bien qu’un processus de reconnaissance, d’identification de ce qui existe déjà (dans l’essence de l’homme et dans les relations humaines induites par cette essence) est à l’œuvre dans une telle démarche. Le droit naturel est dans cette perspective affaire humaine et part de l’idée qu’il existe, d’une part, suffisamment de points communs entre les hommes, à travers l’espace comme à travers le temps, et, d’autre part, assez de ressources théoriques dans la connaissance du fait humain, pour qu’il soit fructueux d’élaborer ainsi une doctrine du droit naturel. Selon la seconde acception des termes « droit naturel », celle défendue par Villey, qui relève de ce qu’on est tenté d’appeler, dans le sillage de Leo Strauss, un « droit naturel des anciens », s’opposant au « droit naturel des modernes », correspondant plutôt à la première acception, l’adjectif « naturel » se rapporte alors à la nature vue comme un cosmos, comme une totalité. « Nature » ne veut plus dire « nature humaine », mais « ensemble du monde connu », l’humanité n’étant ainsi qu’une part de cet ensemble. Le droit « naturel » sera donc celui qui cherche à penser un lien entre la réalité juridique et la réalité « tout court », prise dans sa globalité. Une difficulté apparaît : la conception du monde et de la nature a évolué avec le temps et transposer le jusnaturalisme ancien dans un temps qui a rompu avec la cosmologie ancienne est un projet absurde. À cela, on objectera que la méthode importe ici plus que le contenu normatif et que les nouvelles représentations du monde pourraient éventuellement induire de nouvelles représentations du droit, quand bien même il faut reconnaître que Villey n’a pas mené – ou n’a pas voulu ou n’a pas pu mener – à bien ce chantier. On remarquera du reste que le pari conceptuel d’une articulation entre droit et nature n’a jamais engagé une thèse univoque sur le contenu dudit droit naturel, comme en témoigne le débat classique entre Socrate et Calliclès dans le Gorgias de Platon, chacun donnant une signification différente à la lecture d’une nature qui est pourtant la même.

Au total, Villey nous conduit à distinguer parmi les usages du droit naturel ou les « pratiques jusnaturalistes », celles qui visent à faire du droit naturel quelque chose qui engage une idée consistante à la fois du droit et de la nature, des théories qui renoncent à la juridicité du droit naturel et/ou qui renoncent à la naturalité de la nature. Et donc, tout droit naturel qui fait de l’humain l’alpha et l’omega de ce qui est entendu par « nature » défend la position d’un droit humaniste, mais ne défend pas une position jusnaturaliste. Tout droit naturel qui se fonde sur l’idée que le droit a besoin d’intégrer en son sein de l’éthique défend la position d’un droit moralisé, mais ne défend pas une position jusnaturaliste.

Et pourtant, les formes contemporaines du droit naturel sont très souvent marquées par un glissement entre la question morale et la question du droit naturel. Il est d’usage, dans les facultés de droit, d’expliquer cette proximité entre morale et droit naturel par la référence à la figure d’Antigone et le conflit entre légitimité morale et légalité juridique qu’elle incarnerait. S’il y a bien sûr un sens à articuler morale et droit naturel, cela ne signifie en aucun cas leur confusion comme le montre fort bien le célèbre développement consacré par Aristote à la justice particulière dans l’Éthique à Nicomaque (1130b-1131a). L’articulation entre droit naturel et morale passe chez Aristote par la subsomption des deux notions sous celle, plus générale, de justice : la morale relève de la justice générale et le droit naturel de la justice particulière. Pour Villey, la première relève de l’éthique au sens de la conduite individuelle tandis que la seconde fait nécessairement appel à un tiers neutre. Ce ne peut pas être ma conscience qui seule évalue quelle part me revient « de droit » dans les biens, nous dit Villey – car sinon il faudrait supposer une espèce d’harmonie préétablie des désirs qui ne me ferait jamais vouloir plus que ce qui va me revenir. Le nom de ce tiers, c’est le juge, celui qui dit le droit, c’est-à-dire celui qui partage les biens avec comme critère que chacun ait la part qui lui revient – cette part est celle qui lui revient « de droit ». Le droit est l’adéquation entre chacun et « sa part » (suum cuique tribuere). Une fois identifié le contenu de cette justice particulière qui est donc l’objectif de l’art juridique, il convient de distinguer les deux formes de justice particulières, qui correspondent en réalité à deux types de relation, touchant aux biens extérieurs, et relevant du champ du droit. Et, dans cette analyse aussi, Villey s’écarte fortement du jusnaturalisme contemporain. Au point, comme je vais essayer de le montrer, de fournir un cadre d’analyse qui pourrait tout à fait convenir à un positivisme juridique souple et ambitieux.

On sait que Villey a beaucoup critiqué la référence habituelle à une distinction aristotélicienne qui existerait entre justice distributive et justice commutative (ou justice corrective). Pour lui, la seule traduction qui est à même de rendre raison du sens de l’Éthique à Nicomaque est celle qui oppose justice de la distribution et justice de la commutation. Ainsi, en matière de distribution, qu’il s’agisse des charges politiques ou bien encore de l’attribution de terres à des citoyens, il faut utiliser l’égalité géométrique, c’est-à-dire déterminer la qualité particulière de chaque individu pour, toujours selon la même définition, lui accorder sa juste part (mais cela n’a rien à voir avec une « égalité sociale », bien au contraire en un sens). En revanche, quand il s’agit de juger des questions de commutation, c’est-à-dire d’échanges, il faut faire intervenir l’égalité arithmétique, c’est-à-dire constater simplement que personne n’a été lésé et que tout le monde a bien eu la part qu’il devait avoir, soit l’équivalent arithmétique de ce qu’il a donné ou perdu (par le contrat ou par le délit). Bref : ces deux notions de justice renvoient à deux modes de raisonnement en fonction de la nature de la chose à juger, mais la fin demeure la même : la justice particulière.

Cette description permet de rendre raison à la fois de l’unité du droit et de sa sectorisation. L’unité du droit tient dans l’art de trancher des litiges, de manière externe (recours à un tiers), en utilisant le critère de l’égalité entre la dette et la créance. La nature de la dette et de la créance, d’une part, et le type d’égalité, d’autre part, constituent les motifs de distinction entre les différents secteurs du droit. Ainsi, quand X doit de l’argent ou une chose ou une action à Y, alors il s’agit d’un problème de droit civil. Si l’origine de cette dette est un engagement pris par X, le contexte est celui du droit des contrats ; si l’origine de cette dette est un préjudice que X a fait subir à Y, le contexte est celui du droit de la responsabilité. Imaginons que X porte préjudice à la société dans son ensemble, il fera ainsi naître une dette qui ne pourra être effacée qu’une fois endurée une peine qui sera alors la créance correspondante. On est alors dans le contexte du droit pénal. Dans ces deux configurations, droit civil comme droit pénal, fonctionne l’égalité arithmétique puisqu’il convient, indépendamment des qualités de X, de vérifier que la dette et la créance sont égales. Concessionnaire, je n’ai pas à livrer deux voitures si j’ai encaissé un seul chèque ; une peine doit être proportionnée au crime qui lui correspond (il va de soi que cette évaluation est problématique, relative à un lieu, une histoire, un certain état des mœurs).

Si, comme j’ai tenté de le faire dans mon livre[1], on essaie de tirer pour aujourd’hui, quelque chose de la forte analyse que Villey propose d’Aristote, on aboutit à une thèse « jusnaturaliste » formulable très simplement : un critère du bon droit est possible – mais ce critère ne saurait avoir un contenu absolu, pas plus qu’il n’y a dans la Politique d’Aristote de définition valable en tout temps et en tout lieu du « meilleur régime politique ». Au cœur de ce droit naturel, il y a la notion d’équilibre. Et de calcul. Or la morale est précisément du côté de l’incalculable. Tel est le sens d’un droit naturel extra-moral : parvenir à l’équilibre, en considérant que cet équilibre est source de paix sociale. Les deux justices que l’on peut distinguer grâce à cette lecture d’Aristote ne sont que des techniques pour réaliser cet état de paix, qui est la fin du droit. Comme si, ce faisant, on échappait aux difficultés de la normativité : non que le droit ne soit en rien « normatif », mais parce qu’il ne s’épuise pas dans cette normativité. Les textes de lois sont les éléments qui permettent de justifier une décision – cette justification permet de ne pas voir un arbitraire à l’œuvre dans l’arbitrage juridictionnel. Mais quelle est la raison d’être d’une décision de justice ? Produire cet état d’équilibre entre la dette et la créance, selon la voie de la commutation ou de la distribution. Le terme de « norme » doit être lu à la lumière de la question de la finalité (que vise le droit ? pourquoi y a-t-il du droit ?) bien plutôt qu’à la lumière de la question du devoir, comme on le voit en moral. La dette contre le devoir. Il va de soi que je dois honorer mes dettes, je dois faire que ce que je dois je ne le doive plus un jour – mais cet horizon se nourrit du rapport comptable entre le dû et l’exigible.

Je voudrais revenir, pour finir, sur ce que Villey a été un des seuls à percevoir, et qui est souvent mal compris, à savoir que ce que j’appellerais la tentation morale du jusnaturalisme prend en réalité la forme d’une réduction du droit au droit positif. L’exemple le plus évident, et qui a été à l’origine du livre le plus célèbre de Villey, est la défense des « droits de l’homme ». Cette position, historiquement, caractérise un succès considérable du droit naturel sous sa forme moderne. Quel était l’objectif ? Intégrer dans le corpus normatif la série des droits subjectifs consacrés par la Déclaration des droits. Un tel objectif illustre-t-il une position jusnaturaliste ou une bien une position positiviste ?

La position jusnaturaliste suppose un écart entre droit positif et droit naturel. C’est ce que j’appellerais la position jusnaturaliste minimaliste. La position maximaliste consiste à dire que cet écart ne peut pas être temporaire mais doit être structurel. Autrement dit le contenu du droit naturel doit être tel qu’il ne puisse pas être intégré au droit positif. Le problème est qu’une thèse volontiers défendue, on le voit avec les droits de l’homme, est bien plutôt que le droit naturel est moral par son contenu normatif et, en même temps, a vocation à intégrer le droit positif. On considère ainsi que les États qui n’adoptent pas certains éléments de ce corpus normatif du droit naturel – les droits de l’homme – portent à la fois atteinte à la morale et à l’architecture juridique. Le jusnaturalisme qui défend l’idée que l’horizon souhaitable pour le droit naturel est d’être consacré par le droit positif peut être qualifié d’autodestructeur : son horizon désiré est de ne plus exister. Et, par ailleurs, ce jusnaturalisme doit être qualifié de positiviste car il entérine l’idée que le « vrai » droit et l’unique droit est le droit positif.

Le droit naturel, si l’on suit Villey, suppose la non-réductibilité du droit naturel au droit positif. Soit, très exactement, le contraire de ce qui est revendiqué par les jusnaturalistes contemporains. Selon moi, si l’on veut suivre Villey, il faut – mais Villey ne dit pas cela (il ne dit d’ailleurs jamais exactement ce qu’il souhaite comme « droit naturel », sinon qu’il faut qu’il soit fidèle au modèle aristotélicien) – construire un droit naturel procédural et méthodologique et non pas normatif et substantiel. Et je crois que ce droit naturel présente de grandes affinités avec de nombreux courants contemporains du positivisme juridique – quand bien même ils ne partent pas du tout des mêmes présupposés méthodologiques et substantiels.

 

Pierre-Yves Quiviger

Ancien élève de l’École normale supérieure (rue d’Ulm), agrégé, docteur en philosophie, licencié en droit, Pierre-Yves Quiviger est directeur du Centre de Recherches en Histoire des Idées (EA 4318) de l’Université de Nice, directeur du Département Éthique et sciences humaines de la faculté de médecine de Nice et responsable, avec Marc Lahmer et Erwan Sommerer, du Groupe d’Études Sieyèsiennes. Il préside actuellement la 17section (philosophie) du CNU et la société azuréenne de philosophie. Spécialiste de philosophie du droit, d’histoire des doctrines juridiques et d’éthique médicale, il a notamment publié Le principe d’immanence. Métaphysique et droit administratif chez Sieyès, Paris, Champion, 2008 ; Action médicale et confiance (codir. avec Thierry Martin), Besançon, PUFC, 2007 et Le secret du droit naturel, Paris, Classiques Garnier, 2013. Il a en outre coordonné plusieurs numéros de revues (récemment : « Luther et la politique », Revue française d’histoire des idées politiques, 2017, avec Céline Borello, et « Les limites de la bioéthique », Noèsis, 2017, avec Baptiste Morizot).

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