L. Duguit et M. Hauriou : un dialogue juridique au prisme de la sociologie

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Sommaire de l'article

Marc Milet

Les écrits des deux grands maîtres du droit public de la iiie République ont donné lieu à d’innombrables études complétées désormais par un important travail de réédition d’œuvres devenues difficilement accessibles et dont l’actualité commémorative a permis de célébrer la richesse. Issus tous deux de la faculté de droit de Bordeaux, lauréats du grand concours de 1882, Léon Duguit et Maurice Hauriou n’ont eu de cesse tout au long de leur longue carrière de con(tro)verser par publications interposées[1].  Associés rivaux, au-delà des divergences politiques et doctrinales souvent surestimées, ils poursuivent en réalité un même objectif : édifier une solide théorie juridique qui soit apte à légitimer l’État[2] face aux nombreuses attaques dont il fait l’objet et à prémunir les citoyens de l’arbitraire dans le cadre du nouveau régime républicain. Conçu juridiquement comme « institution des institutions » chez l’un, coordinateur de services publics chez l’autre, peu importe au fond, car tous deux conçoivent l’État comme le seul instrument viable de l’ordonnancement d’une société pacifiée mais dont les empiètements sur les libertés individuelles doivent être préservées par une soumission à la règle de droit, désormais traduite dans cette nouvelle « idée de l’état de Droit[3] ».

En rupture dès lors avec un enseignement pratique restreint à l’exposé de connaissances techniques et de l’ancienne « école de publicistes politiques », L. Duguit et M. Hauriou contribuent ainsi aux tournants des xixe et xxe siècles à l’édification d’une véritable science juridique. Cette contribution se propose de revenir de manière synthétique sur le statut de la sociologie dans cette entreprise commune.

En premier lieu, la question de l’introduction des sciences sociales en faculté juridique, de la transposition des méthodes en droit, tiennent une place prépondérante dans leurs échanges. La question sociologique est donc un objet de controverse en soi qui donne lieu à d’importantes passes d’arme intellectuelle qui ne se limitent pas à la seule période des écrits de jeunesse (I). De manière tout aussi significative, il est possible d’observer que le dialogue juridique entretenu s’est nourri de leur attrait pour la sociologie et que leur œuvre doctrinale, si ce n’est de technique juridique, est directement tributaire de cette attirance (II).

Un dialogue sociologique de deux juristes

Faits bien connus aujourd’hui, bien qu’ils ne soient pas les seuls juristes à introduire la sociologie en faculté de droit[4], ils sont au sein du corps des professeurs agrégés de droit les deux premiers à dispenser un cours officiel en faculté d’État. Léon Duguit monte à Bordeaux au second semestre 1891 le premier séminaire de sociologie de troisième cycle sur le modèle du séminaire allemand découvert par son collègue H. Saint Marc lors de ses voyages outre-rhin ; Maurice Hauriou ouvre à l’automne 1894 à la faculté de droit de Toulouse un cours libre de science sociale, bientôt officialisé par le Conseil de l’Université et qu’il assure jusqu’en 1902. Le dialogue qu’ils entament peut s’interpréter comme une relecture par procuration en droit du « duel » entamé entre Émile Durkheim et Gabriel Tarde.

Une contribution à l’état naissant des sciences sociales

Léon Duguit et Maurice Hauriou ne peuvent être considérés comme de simples passeurs des préoccupations sociologiques. Les deux juristes participent bien de la construction de la nouvelle discipline à un moment où la frontière de la matrice disciplinaire n’est pas encore clairement définie. Influencés par le milieu bordelais où les juristes sont particulièrement ouverts aux savoirs sociaux, dès l’attribution de leurs premiers enseignements en histoire du droit, ils échangent sur la possibilité d’y introduire des éléments sociologiques au sein de leurs cours respectifs[5].

Le tournant des années 1880-1900 correspond bien à la phase anormale des processus de révolution scientifique telle que décrite par T. Kuhn[6] : la consolidation de la discipline fondée sur un nouveau paradigme se trouve précédée par une période conflictuelle durant laquelle s’opposent des visions concurrentes relatives aux principes, aux hypothèses et aux instruments légitimes qui la définisse.

La question de l’introduction des enseignements de sociologie à l’université fait l’objet d’une concurrence dans la lutte d’influence que se mènent les facultés des lettres et de droit pour acquérir le statut de porte-parole légitime de la République naissante[7]. Les conceptions proposées diffèrent entre deux pôles : celui des sciences sociales spécialisées, conçues de manière ambigüe comme un renouvellement méthodologique de savoirs savants existants et non dénuées d’une visée pratique dans l’amélioration de la formation aux fonctions administratives, et celui de la sociologie générale, conçue comme science de la société ad hoc qui doit diffuser ses notions fondamentales et ses méthodes au sein des autres disciplines. Ni L. Duguit ni M. Hauriou ne peuvent toutefois être strictement rattachés au premier pôle. En témoignent les longs développements non juridiques du maître livre de Léon Duguit publié en 1901, l’État, le droit objectif et la loi positive et la nature même des leçons de science sociale proposées par M. Hauriou qui cherche, selon ses propres termes, au-delà du droit, à édifier un véritable « système de science sociale ».

Tous deux sont fortement insérés dans des réseaux de sociabilités sociologiques. Engagé au sein de la « nébuleuse réformatrice[8] », L. Duguit est associé aux divers congrès, revues et sociétés savantes qui s’emparent alors du fait social. Dès 1887, il participe à la création de la Revue d’économie politique dont il assure durant cinq ans le secrétariat de rédaction. Ses promoteurs par la volonté affichée de s’ouvrir aux « études sur la science sociale[9] » la conçoivent comme un outil de propagation de la pensée solidariste et une offensive contre la domination de l’école libérale en économie[10]. Enrôlé également dans le projet personnel de René Worms qui tente de rallier le plus grand nombre de juristes à la revue internationale de sociologie, Duguit figure au nombre de ses collaborateurs réguliers et y publie ses deux principales études « sociologiques[11] ». En 1903, lors de la tenue du congrès des sociétés savantes à Bordeaux, il prend part avec des collègues des facultés des lettres aux discussions relatives au rapport entre la sociologie et le droit[12]. « Afin de répandre sa doctrine », le livre et l’enseignement ne lui suffisant pas selon Roger Bonnard, le juriste bordelais donne enfin une série de conférences parisiennes au sein de l’École des Hautes Études sociales de 1907 à 1911. Née d’une scission avec le collège libre des sciences sociales, l’École cherchait à proposer une offre différente de l’école libre des sciences politiques, dont l’enseignement tourné vers la formation des administrateurs était jugé selon ses promoteurs inaptes à développer l’esprit critique[13].

Hauriou pour sa part côtoie durant ses jeunes années les collègues de la faculté des Lettres dans ce qu’il nomme « la forte éducation du café[14] ». S’y retrouvent aussi bien le philosophe Frédéric Rauh[15], les métaphysiciens Georges Dumesnil et Jean Jaurès[16], ou encore l’historien d’art Emile Mâle[17]. Comme il le concède lui-même, ces rencontres sont fondamentales dans sa formation et vont largement influencer ses travaux[18]. À l’été 1893, il rend visite à Gabriel Tarde dont il a découvert les travaux et avec qui il entretient une correspondance.

Les œuvres de jeunesse des deux juristes, communément consacrées donc, soit à des « études sociologiques », soit à des interrogations sur le statut de la discipline, connaissent une large diffusion, chacune de leur publication donnant lieu à des référencements si ce n’est à de longs comptes rendus au sein des revues des diverses écoles en formation, tels L’année sociologique des durkheimiens, La réforme sociale des Le Playsiens ou les revues philosophiques plus anciennes interpellées par ce tournant positiviste. Ce rayonnement dépasse les frontières. Hauriou publie en Italie et les décennies suivantes, les travaux de Duguit connaissent une certaine visibilité au sein de la sociologie nord-américaine[19].

La chronologie du rapport des deux juristes à la sociologie mérite bien d’être revue au regard des termes de la controverse qui les opposent, encore implicitement, au milieu des années 1890. L’historiographie[20] a en effet longtemps fait prévaloir l’idée que la conversion de Léon Duguit était antérieure à celle de Maurice Hauriou. Dans deux articles de 1888 et 1889, Duguit prône expressément l’introduction de la sociologie en faculté de droit, soit sous la forme d’un cours général optionnel[21] soit via un programme ambitieux d’aggiornamento de la discipline juridique désormais conçue comme science sociale[22]. Hauriou dans un célèbre article de 1893 semble apparemment endosser l’habit de porte étendard des conservateurs opposés à cette nouvelle discipline[23]. Ses méthodes jugées insuffisamment affirmées et contraires à l’esprit juridique ne permettraient pas l’ouverture de cet enseignement aux juristes.

Les positionnements sont moins tranchés qu’il y paraît. De fait, dans les années 1880-1890, Hauriou est, selon ses propres mots, « entouré de bouquins de sociologie ». Ses connaissances semblent plus vastes que celle de son jeune collègue bordelais dont les études sont surtout fortement inspirées des travaux de H. Spencer qui lui permettent par analogie biologique de transposer l’organicisme en droit public. Contrairement à une légende, comme il le concède en 1908, Duguit n’a pas encore lu Comte. L’enjeu de la controverse ne porte donc pas sur un intérêt à l’égard de la nouvelle science mais spécifiquement sur sa nature : à bien le (re)lire, Maurice Hauriou ne s’oppose pas tant à l’introduction de cours de science sociale en faculté de droit qu’à leur intégration au sein des programmes officiels. Il conteste ce nouvel esprit sociologique qui détermine les lois de l’humanité et réduit ainsi selon lui le sentiment de justice au rang d’utilité sociale. En d’autres termes, la sociologie se révélant dangereuse par la primauté du collectif sur l’individuel, méritera d’être introduite lorsqu’elle se révèlera sagement conservatrice, programme qu’il met rapidement en œuvre. Duguit et Hauriou incarnent dès lors mutatis mutandis l’opposition des deux courants holiste et individualiste, qui va structurer durablement les controverses sociologiques.

Il existe néanmoins un socle commun à leurs réflexions. Tous deux se positionnent contre l’approche métaphysique et l’a priori. Sous cet angle la sociologie, a minima, dont il est question n’est rien moins en fait qu’une méthode et un esprit, propre à la « philosophie positiviste ». Conçue comme science de la conduite, la sociologie est communément entendue comme prescriptive. La question de la morale[24], comme fait social, est centrale chez les deux juristes. Comme l’écrit Hauriou il s’agit de « rendre à la sociologie son caractère de science morale, c’est à dire de science qui se préoccupe de la conduite et de la liberté, et c’était désirable, mais nous restituons ce caractère sans rien emprunter aux a priori métaphysiques, et en restant sur le terrain des faits, d’une façon scientifique[25] ».

Tous deux sont enfin soucieux d’introduire de nouvelles techniques en faculté de droit. La démonstration des exercices proposés dans le séminaire du juriste bordelais s’appuie sur « la statistique, qui est déjà un moyen puissant d’investigation »[26]. Quant à M. Hauriou, il ne craint pas d’emprunter au tournant des années 1898-1899 à la thermodynamique ; ce tournant de « physique sociale » lui vaudra de solides inimitiés et les critiques les plus acerbes qui contribuent à l’abandon de son ambitieuse entreprise de systématisation.

Soucieux donc de réformer la méthode juridique, c’est la découverte de deux sociologies qui redéfinit le contour de leur dialogue.

Un dialogue par procuration : Durkheim v. Tarde

Les règles de la méthode sociologique d’Émile Durkheim et De la division du travail social s’appuient, notamment, sur une réfutation des Lois de l’imitation de Tarde et de l’approche sociobiologique de H. Spencer. On peut, sans trop forcer le trait, énoncer que Duguit et Hauriou reproduisent le débat en droit.

Au socle spencérien de ses premiers écrits, s’est ajoutée pour Duguit la découverte de la pensée d’un de ses jeunes collègues bordelais, Émile Durkheim qui a rejoint Bordeaux, à la faculté des lettres, la même année que lui en 1887. Bien qu’il soit difficile d’établir des bornes chronologiques précises, il est certain que se sont tenues chaque semaine au domicile de Duguit des causeries « sociologiques », auxquelles ont pris part des collègues de la faculté des lettres. Parmi les plus assidus, l’historien Camille Jullian, spécialiste de l’époque gallo-romaine, le physicien Pierre Duhem[27] ainsi qu’Émile Durkheim lui-même[28].

Léon Duguit fonde alors sa conception réaliste du droit sur la sociologie durkheimienne qu’il cite dès 1894. En rupture avec les fictions juridiques de la personnalité juridique, de la souveraineté de l’État, il pose la trame dès 1899 d’une théorie globale selon laquelle la règle de droit positif ne fait que traduire la règle normative de l’interdépendance sociale. Cette conception objective du droit s’appuie sur la démarche sociologique qui entend désormais traiter les faits comme des choses et traduit l’avènement de la solidarité organique issue de la division du travail. Longuement exposé dans ses Études de droit public de 1901, son système est approfondi après la Grande guerre (proposant une conception sociologique du service public, il nie la différenciation purement formelle du droit public et du droit privé, la contestation de la théorie de l’autolimitation de l’État lui fait accepter plus tardivement la mise en œuvre d’un contrôle de constitutionalité de la loi)[29]. L’emprunt à la sociologie de Durkheim est durable, qu’il continue de se référer à ses écrits au détour d’une argumentation[30] ou qu’il lie sa théorie du service public à sa conception de « l’interdépendance sociale » au sein des développements de son Traité de droit constitutionnel[31].

S’agissant d’Hauriou, la dette à l’égard de Durkheim est plus ambivalente. Le constat du phénomène de complexification des sociétés par l’accroissement fonctionnel de la division du travail social est accepté par Hauriou qui suit le précepte nœudal selon lequel le fait social n’est pas naturellement connaissable. Ses travaux sont donc émaillés de références à Durkheim[32] qu’il considère plus comme un continuateur qu’un opposant à Spencer[33]. Pourtant, il ne faut pas s’y tromper, malgré la place que tient « l’institution » dans sa théorie juridique, ses travaux de sciences sociales sont bien conçus en réaction à la nouvelle école sociologique.

M. Hauriou précise la crainte que suscite ce tournant sociologique dans un compte rendu comparé[34] des travaux de Tarde et de Durkheim publié à la Revue du droit public en 1894. Selon lui l’approche naturaliste et utilitariste de la société a mené la sociologie naissante à une impasse. Désormais un mouvement de réaction est intervenu qui a réintroduit la question centrale de la conduite, du bien et du mal. Mais Hauriou distingue clairement deux voies possibles de cette « morale d’observation » : or, s’agissant de Durkheim, écrit-il « la plupart [des] conclusions auxquelles [il] aboutit dans l’esquisse de cette morale, sont inquiétantes par leurs tendances socialistes[35] ». Son système social s’appuie donc a contrario sur la sociologie de G. Tarde, qui définit l’autre voix, individualiste, et à qui il a dédié sa science sociale traditionnelle. Hauriou considère en effet que l’effet des lois de similitude au sein de la société n’a pas disparu pour être remplacé par la différenciation des rôles et des fonctions issue de la complexification sociale[36]. « La solidarité organique » est bien selon lui « à la fois collectiviste et individualiste mais elle est entièrement mécaniste[37] ». Des années plus tard il persiste à penser que l’erreur du système de la règle de droit objective de Duguit est directement issue du « flot propice du système sociologique de Durkheim » qui a ouvert la voie : car en plaçant « l’objectif au-dessous de tout » : la conception d’un milieu social qui fonde la règle de droit aboutit à la négation des volontés individuelles[38]. Hauriou nie également le déterminisme universel induit par la conception d’une loi de causalité univoque telle que l’a conçue Durkheim en réaction à l’axiome de la pluralité des causes[39] ; le professeur toulousain appuie sa critique du système de Duguit sur la dimension moniste présente dans l’idée d’une règle de droit objective exclusivement fondée sur la « solidarité brute ». Sa critique s’appuie au contraire sur la démonstration des multiples évolutions sociales que Tarde, son « maître en dualisme[40] » a présenté dans ses nombreux ouvrages[41]. À l’encontre des prénotions, le lien entre la théorie de l’Institution d’Hauriou et la définition sociologique qu’en donne Durkheim demeure également bien mince.

Certes, les premières ébauches du concept d’institution par le professeur toulousain renvoient à une nette parenté avec l’approche sociologique qui confère une dimension objective, durable et cristallisée à un phénomène entendu comme « formes sociales établies ». Mais jamais Hauriou ne se réfère explicitement à Durkheim lorsqu’il traite de sa théorie de l’institution tandis qu’il a clairement indiqué dans quelle mesure « l’idée d’œuvre à accomplir » qui détermine l’idée directrice de toute institution est directement inspirée des travaux du philosophe catholique Georges Dumesnil : la genèse de la théorie de l’institution s’inscrit bien dans le cadre de la pensée chrétienne plutôt qu’elle ne définit une quelconque source sociologique durkheimienne[42].

Pourtant, les frontières de ce dialogue par procuration sont moins tranchées qu’il y paraît.

Les lectures infidèles de deux « juristes sociologues »

Le dialogue sociologique de L. Duguit et Hauriou s’appuie sur deux « lectures infidèles[43] ». Les deux juristes, auteurs originaux ne sont pas des disciples en droit des sociologues. La doctrine de Duguit, d’abord reçue de manière relativement bienveillante par le courant durkheimien fait l’objet de lourdes attaques à partir des années 1910. L’affirmation selon laquelle la règle de conduite qui fonde la règle de droit est un produit social place Duguit comme acquis aux axiomes de la nouvelle école sociologique. Par le refus d’accepter la réalité sociale d’un groupe social pensant dont l’opinion transcende les individus qui le compose, il entérine pourtant la rupture. « La conscience nationale de l’école historique allemande, note-t-il, est une fiction comme la conscience sociale des sociologues[44] ». Georges Davy constate dès lors « comment M. Duguit renié par les individualistes risque bien de l’être aussi par les sociologues[45] » Pourtant, cette différence bien connue entre la sociologie durkheimienne et la théorie de Duguit s’accompagne d’autres divergences sans doute aussi profondes. La définition du fait social comme réaction collective provoquée par un acte individuel chez Duguit s’écarte de la conception d’un fait social comme contrainte extérieure qui s’impose aux individus tel que l’a défini Durkheim[46] ; le « concept de causalité » jugé trop métaphysique est également écarté par Duguit de toute science positive[47].

La focalisation des lectures du système juridique de Duguit sur la dimension fonctionnaliste et finaliste de la règle de droit conduit aussi à négliger la place que tient la volonté individuelle dans la détermination de la règle de droit que traduit très bien son expression relative à la « masse des consciences individuelles ». Ce faisant Duguit se repositionne aussi du côté de la sociologie tardienne, qu’il cite à de nombreuses reprises, dès lors qu’elle est conçue comme un outil de légitimation de sa doctrine réaliste contre toute fiction, quelle qu’elle soit. En 1902, dans la préface qu’il donne à l’État de Woodrow Wilson, il s’appuie explicitement sur Tarde afin de rappeler les effets que produisent l’action bien réelle des gouvernants sur la partie constructive de la règle de droit, celle qui donne corps à la règle normative[48] :

 « La vraie science sociale, comme le dit M. Tarde, doit montrer l’inanité des prétendues formules, des prétendues lois historiques, qui opposeraient des obstacles infranchissables aux volontés des individus ».

La théorie de Duguit parce qu’elle postule que c’est bien l’individu qui produit la société et non l’inverse se révèle in fine plus proche de l’individualisme méthodologique que ne l’est sans doute la théorie de l’institution d’Hauriou. De surcroît, cette conception de la conscience sociale entendue de manière restrictive comme une tendance commune qui se retrouve dans l’esprit de tous les hommes au sein d’un corps social, le situe clairement du côté de la psychologie sociale qui tient compte des interactions entre individus et des effets de la variable psychologique sur les conduites[49]. Dès 1893, il constate qu’« il existe une psycho-physiologie sociale[50] ». Mais sa découverte de Durkheim ne l’a pas détourné de ce courant. Dans les années vingt, les précisions apportées sur la nature de la règle de l’interdépendance sociale fondée sur le « sentiment de justice » l’amène à revenir sur le travail de psychologie sociale à mener pour le déterminer[51]. Et même si Duguit a rompu avec l’organicisme il va continuer à se référer aux travaux de Spencer[52] ou à l’importance de l’analogie biologique dans la comparaison[53].

La différence de la science sociale d’Hauriou vis-à-vis de son référent sociologique est encore plus significative. Dans son ambition d’édifier une science sociale originale et sa quête d’une morale d’observation née de sa foi chrétienne, il tente de concilier l’inconciliable : fonder une science sociale sur les préceptes catholiques[54]. La rupture est consommée, même si elle n’est jamais exprimée entre les deux hommes. Gabriel Tarde commentant durement les travaux de son ami juriste l’inscrit dans une « tendance contemporaine à une sorte de syncrétisme religioso-scientifique » qui confine à un « théologisme larvé[55] ».

Ce bref tableau présente un dialogue sociologique en guise de miroir brisé. En rester à cette présentation se limiterait à exposer le détour sociologique de deux juristes dans le cadre d’une histoire des sciences sociales. Or, la question porte aussi fondamentalement sur le statut de la sociologie dans l’œuvre juridique elle-même. Il existe une réponse convenue avec des variantes plus ou moins accentuées. L’appréciation dominante pose le déclin de l’attrait sociologique chez les deux maîtres du droit public une fois l’engouement de jeunesse passé. Il existerait donc deux Duguit et deux Hauriou : une dualité en deux dimensions. L’abandon de la sociologie serait concédé par Hauriou dans sa préface des Principes de droit public en 1916. Le technicien du droit prend le pas sur le juriste sociologue ; en témoignent les nombreux commentaires d’arrêts publiés, les éditions successives des Précis de droit administratif et de droit constitutionnel, gage du retour vers un travail plus sérieux. Sa théorie du droit quant à elle demeure tributaire à la fin de sa vie des échanges épistolaires, de nature philosophique et non sociologique, avec J. Chevallier, collègue de la faculté des lettres de Grenoble. Pour Léon Duguit, même si chacun s’accorde sur le fait que sa théorie du droit postule un ancrage social du droit, l’on assisterait néanmoins à une dissociation des œuvres : une poursuite des réflexions sociologiques dans le cadre des conférences publiques donnant lieu à des publications ad hoc, et l’œuvre juridique proprement dite, restreinte aux éditions successives de son Traité de droit constitutionnel.

Même si cette appréciation contient une part de vérité, elle se révèle erronée si elle postule l’autonomie radicale de l’œuvre juridique[56].

Un dialogue juridique par la sociologie

Même si la substance de la science juridique a évolué, la science juridique demeure pour les deux juristes conçue comme une science sociale.

Un invariant : la science du droit conçue comme science sociale

On l’aura compris, le socle commun de l’attrait pour la sociologie réside tout d’abord dans le fait que le réalisme revitalise le droit. Maurice Hauriou l’énonce clairement : « la connaissance du droit est devenue positive »[57].

Mais plus fondamentalement, la sociologie n’est pas seulement utile au droit. L’approche scientifique du droit oblige désormais à concevoir la discipline juridique comme une science sociale en tant que telle. Dès 1885, dans un compte rendu méconnu Léon Duguit note ainsi qu’« à vrai dire, la science du droit n’est autre chose qu’une branche de la sociologie[58] ». Le jeune juriste constate que « le droit n’est pas l’œuvre arbitraire d’un législateur, et la science du droit ne consiste pas dans l’interprétation des textes législatifs ». « L’exégèse est peut-être un art ; poursuit-il, elle ne sera jamais une science ».

En fait, l’attribution des enseignements va conduire à modifier la teneur de cette « sociologie » dont tantôt le droit et l’histoire du droit en fondent le socle commun (1885), tantôt le droit constitutionnel et l’économie politique en deviennent les deux parties principales (1889). Les deux jeunes juristes partagent la conception selon laquelle l’histoire du droit doit se préoccuper des faits sociaux, conçus chez Hauriou comme « couches externes », chez Duguit comme « histoire des sources ». Hauriou se préoccupe alors de la question de l’ordre des coexistences (stabilité et pérennité du système social) et des successions (les trajectoires des sociétés occidentales) ce qui l’amène à considérer Domat comme le « premier des sociologistes » lorsque ce dernier expose le régime des engagements et des successions[59]. Pour Hauriou, l’histoire du droit se comprend aussi comme science sociale du fait que la méthode comparée doit y est privilégiée : selon lui l’étude de différentes institutions a pour objectif premier de définir des « types  de structure sociale »[60]. Leur démarche les amène alors à rejeter tout formalisme. Comme l’écrit M. Hauriou, « la méthode de la morale et du droit est certainement à la fois inductive et déductive, les principes moraux et juridiques sont donnés par l’observation du représentatif social, ils sont ensuite organisés par déduction[61] ».

Ces conceptions de jeunesse ne sont pas abandonnées au tournant des années 1900 : certains lecteurs ne s’y trompent pas : J.W. Garner dans un compte rendu des Principes de droit public constate que l’ouvrage s’apparente moins à un traité de droit public qu’à une « discussion sociologique de l’origine et de la nature des institutions politiques et du droit[62] ». Les deux premiers tomes du Traité de droit constitutionnel de Duguit reçoivent un accueil équivalent à la Harvard Law Review qui y voit un croisement de la science juridique et des autres sciences sociales[63]. G. Gurvitch en 1931 constate que le principal reproche fait à Duguit fut pour ses contemporains de ne pas avoir su scinder la « réflexion juridique de l’analyse sociologique ».

La théorie juridique de l’État fondée sur une sociologie

En effet, l’abandon des études de sociologie générale dans l’édiction d’un système social par Maurice Hauriou ne peut s’interpréter comme le signe d’un renoncement à définir une approche sociologique du droit et de l’État.

Tout d’abord, jusqu’en 1900, les développements de sa science sociale sont repris comme parties intégrantes des éditions successives de son Précis de droit administratif. L’article publié en 1904 relatif au « régime d’État » résulte directement de son cours de science sociale.

Une partie de ses travaux de la maturité, du début du siècle jusqu’à la publication de la deuxième édition de son Précis de droit constitutionnel de 1929, s’apparente de surcroît à la construction d’une sociologie historique de l’État. Hauriou récuse une présentation descriptive du processus étatique selon une approche idiographique propre aux historiens au profit d’une démarche nomothétique fondée sur la présentation de grandes lois tendancielles.

Hauriou en effet s’intéresse à une construction théorique des processus en rupture avec le pur formalisme : il expose les conditions de l’institutionnalisation du pouvoir politique au sein de l’État moderne : elle passe par l’édification d’un centre politique (dont les développements ne sont pas sans rappeler mutatis mutandis certains passages des travaux de Norbert Elias qu’il s’agisse de lien entre le régime d’impôt et le régime d’État, ou l’importance conféré à la centralisation de la guerre[64]). Il établit explicitement un lien entre le développement du capitalisme et l’État moderne[65], voit dans l’État une entreprise de capitalisation des ressources économiques, mais aussi sociale et administrative[66] : cette lecture évoque indéniablement les développements menés au même moment par Max Weber bien qu’il ne le cite pas, ce qui laisse supposer une parenté d’idées plus qu’une réelle influence[67].

Fondamentalement, dans l’exposé de sa démarche et des critères retenus, sa sociologie de l’État est entendue comme consubstantielle à sa théorie juridique. M. Hauriou note clairement :

« Ce ne sont point les rubriques que l’on trouve d’ordinaire dans les théories de l’État. On procède communément à une sorte de dissection des éléments composants de l’État, une fois réalisé, tels que la population, le territoire, etc. Mais j’estime que ces éléments de la population, du territoire, etc., envisagés dans l’État réalisé, ne sont d’aucune utilité pour expliquer la formation de l’État et que, sans nier leur importance, ils doivent être laissés à l’arrière-plan. Ce qui doit être mis au premier plan, ce sont les facteurs de la réalisation de l’État et ce sont d’une part, les forces de centralisation de la nation, d’autre part, les idées et les aspirations à la liberté civile et au régime civil ».

Léon Duguit lui-même, ne fusse que plus brièvement, s’inscrit dans ce type d’approche. En 1885, il note également dans quelle mesure le régime des fiefs fut fondamental comme « première centralisation » et qu’il a ainsi réalisé « une intégration puissante des éléments sociaux[68] ». Et plus de vingt ans après avoir construit sa doctrine réaliste il reprend sa conception juridique de l’État fondé sur la réalité sociale de la plus grande force et non sur une fiction d’un quelconque droit souverain ou d’une personnalité morale[69].

Le parachèvement de son système juridique prolonge sa sociologie du droit. Duguit fait ainsi paraître en 1913, un an après la publication du livre sur les transformations du droit privé, une étude toujours consacrée à la substitution du système juridique réaliste au système juridique individualiste et métaphysique mais déclinée cette fois-ci en droit public. Dans cette mise à jour des Transformations du droit public, Duguit accorde une place essentielle à la notion de service public qui structure son plan et sa démonstration. De l’ouvrage, l’histoire a retenu la célèbre maxime selon laquelle « la notion de service public devient la notion fondamentale du droit public moderne » qui serait ainsi devenue à compter de 1913 la pièce « maîtresse de son système[70] ». L’intérêt pour la notion n’est pas nouveau chez lui et s’accentue pour l’essentiel à partir de 1907. Elle offre une traduction juridique empirique de la loi de l’interdépendance sociale à travers l’idée que la finalité de l’action publique l’emporte sur le moyen ou la puissance. En réalité, c’est la politique jurisprudentielle qui a œuvré dans les années précédant la parution de l’ouvrage à ériger le service public en critère du droit administratif[71]. L’objectif recherché par le Conseil d’État est clair : marquer le terrain face à l’autorité judiciaire par une délimitation du champ d’autonomie du contentieux administratif. Dans une série d’arrêts, commentés d’ailleurs par Duguit dans son livre, il ressort que la répartition des compétences entre le juge administratif et le juge judiciaire est définie par l’existence ou non d’une loi de but fondée sur une activité d’intérêt général de l’administration. Duguit suit donc plutôt qu’il n’inspire ce courant jurisprudentiel[72] et la place réservée par Duguit dans ses travaux à la notion a sans doute longtemps été surévaluée. La technique juridique relative à la notion de service public importe peu. En 1913, cette toute nouvelle centralité conférée à la notion de service public se comprend comme essentielle à l’objet même de sa théorie : contribuer à encadrer l’État par le droit qu’il établit comme contrainte extérieure. Les développements consacrés à l’acte administratif étayent cette lecture. L’existence ou non d’un but de service public doit servir de critère étalon pour une évaluation de la conformité de l’acte administratif avec la règle de droit (sociale). Et toute sa démonstration vise à montrer dans quelle mesure « l’activité administrative est tombée sous la prise du droit[73] ».

Il n’est donc pas incident que l’ouvrage, qui s’achève d’ailleurs sur le régime de responsabilité, ait été publié dans une collection généraliste des éditions Armand Colin et non par un éditeur juridique. La « Bibliothèque du mouvement social contemporain » vise à réunir des études qui définissent les grandes tendances de l’action politique et sociale à partir de « l’expérience sociale ».

Indéniablement, la théorie du droit et de l’État et l’approche sociologique sont donc durablement liées chez Duguit et Hauriou. Sans doute est-il possible de montrer qu’au-delà des seuls travaux théoriques, la résolution d’une question technique de droit, qu’il s’agisse de l’établissement d’un régime ou l’octroi d’une expertise juridiques ont pu également s’appuyer explicitement sur leur raisonnement sociologique.

L’apport sociologique au régime et à l’expertise juridiques : deux illustrations

La mise en lumière d’une consultation donnée par Léon Duguit à la fin des années vingt, étaye tout d’abord l’idée selon laquelle l’expertise juridique s’appuie sur ses postulats sociologiques.

L’année 1927 est marquée en droit international par le différend romano-hongrois. Le contentieux est né d’une réforme agraire roumaine lancée par une loi de juillet 1921 qui conduit à une dépossession indemnisée de propriétaires terriens en vue d’opérer une redistribution générale des terres. La loi s’applique sur l’ensemble du territoire et touche alors les minorités nationales, tels les ressortissants hongrois de Transylvanie. Or, à la sortie de la guerre, afin de parer tout risque de spoliation suite au démantèlement de l’Empire austro-hongrois, le traité de Trianon avait prévu qu’aucune liquidation ne puisse intervenir par une loi nationale.

Deux thèses s’opposent donc entre ceux qui font prévaloir la souveraineté territoriale de l’État roumain qui ne pourrait se lier pour l’éternité et ceux pour qui les stipulations conventionnelles priment sur toute loi territoriale. L’affaire juridico-politique passionne les juristes français mobilisés par les deux parties. Devant le tribunal mixte arbitral, le gouvernement roumain s’est fait représenter par des figures politiques et juridiques en la personne de MM. Alexandre Millerand, Nicolas Politis, et Rosenthal. Georges Scelle, qui a donné un long commentaire technique de l’arrêt rendu par le tribunal arbitral à la Revue générale de droit international public, se situe dans le second camp doctrinal. L’internationaliste dans la lignée de la doctrine inter-sociale promue par Duguit considère que « l’état de droit » prime sur la souveraineté, que la construction de l’ordre juridique international est une avancée formidable dès lors que les conditions juridiques des sujets de droit se trouvent par ce nouvel ordre en construction garanties contre les risques d’arbitraire d’un État. Le droit international se conçoit comme droit des gens. Aussi se trouve-t-il étonné de constater que son maître a donné une consultation qui critique violement sa position[74].

La consultation de L. Duguit est reprise sous forme d’article à la Revue de droit international et de législation comparée. Selon lui, le tribunal arbitral mixte a commis une usurpation de pouvoir car il n’avait aucunement compétence à traiter de la question. Le traité ne régit que les conséquences de la partition issue de la Grande Guerre, tandis que la loi en question n’est rien d’autre qu’une loi nationale qui régit les règles de la nouvelle « vie sociale dans le pays ». Et Duguit de reprendre selon la théorie de l’interdépendance sociale, sa présentation de la nature fonctionnelle du droit de propriété qui n’est légitime que par sa conformité à la règle normative. Or, la réforme foncière remplit en l’espèce un rôle social crucial, celui de maintenir l’ordre et la paix par la justice en permettant au pays de se prémunir d’une révolution paysanne : la loi agraire roumaine comme rempart de l’extension du bolchévisme. Le fait que la Roumanie connaît une frontière avec la toute nouvelle Union soviétique n’est pas incident. Point de régime d’exception donc pour les ressortissants hongrois mais une juste réforme sociale pour le bien de l’Europe. Sur le fond, le Conseil de la Société des Nations semble donner raison à Duguit. Sa conception confirme le peu de cas que fait le doyen du droit international et l’importance qu’il confère à « l’indépendance législative d’un pays ». Mais, dit autrement, la primauté de la souveraineté étatique est tout bonnement réaffirmée. Le doyen a beau appuyé son raisonnement sur sa doctrine, il en est réduit à réintroduire le terme à plusieurs reprises au détour de sa démonstration, jugeant notamment que le tribunal mixte arbitral commet bien une usurpation de pouvoir « s’il prétend apprécier une disposition législative relevant exclusivement de la souveraineté roumaine (…)[75] ». Quoiqu’il en soit, en l’espèce, la consultation juridique s’appuie sur sa sociologie du droit.

Plus brièvement, ce lien entre analyse juridique et science sociale est bien présent si l’on s’intéresse à l’étude sur la gestion administrative publiée par Maurice Hauriou quelques décennies plus tôt, en 1899.

Conçue comme « Étude théorique de droit administratif », l’ouvrage se présente comme une tentative de précision des critères de qualification des actes de gestion, traditionnellement dissociés des actes d’autorité mais sans toutefois que la doctrine n’ait selon lui réussi à clarifier suffisamment l’intervention de la puissance publique commune aux deux régimes. Son ambition est bien d’améliorer les garanties des administrés face à l’État puisqu’il cherche à développer le contentieux de pleine juridiction au détriment du simple contentieux de l’annulation afin conjointement d’augmenter l’efficacité de l’administration et la liste des droits acquis par les administrés.

Maurice Hauriou souhaité démontrer que la situation de gestion correspond, à l’encontre d’une situation d’accomplissement du pouvoir d’autorité de l’administration, à un état de « collaboration » « prolongé et continu », dans le cadre de l’exercice des services publics entre le milieu social (l’administration) et la puissance d’autorité. Apparemment anodine, l’approche modifie profondément la conception de l’État et de son administration, comprise dans le cadre dynamique de la pratique administrative. Cette « collaboration » de l’administration devient la clef de voute de son régime et de sa démonstration. Or, cette idée est directement tirée de ses études de science sociale[76] relatives à la dynamique des forces sociales, comprises, tantôt à l’état de repos (l’acte de puissance) tantôt de mouvement (le travail administratif) : la gestion administrative définit par là même une application juridique directe de ses Leçons sur le mouvement social.

La complexification et la spécialisation du droit contemporain laissent désormais peu de place aux faiseurs de système. L. Duguit et M. Hauriou pour leur part ont œuvré à établir une science juridique comme science sociale. Leur démarche commune semble utilement rappeler l’apport d’une conceptualisation et d’un ancrage social du droit en réaction à un appauvrissement d’une discipline qui au tournant des xxe et xxie siècles, par un étrange retournement de l’histoire, pourrait prendre le risque d’être reléguée au rang de pure technique.

Marc Milet

Professeur de science politique à l’Université Panthéon-Assas, membre du CERSA (Umr - Cnrs). Une partie de ses travaux porte sur l’engagement civique et politique des juristes. Il a notamment publié : « Le dévoiement d’un argumentaire. Les droits civiques des femmes dans la doctrine publiciste de la IIIe République », in : A. Stora-Lamare, J.-L. Halpérin, F. Audren (dir.), La République et son droit (1870-1930), Les Presses de l’Université de Besançon, 2011, p. 311-329 ; (avec J.-M. Blanquer), « Les idées politiques de Léon Duguit. Un prisme contextuel et biographique », in : F. Melleray (dir.),  Autour de Léon Duguit.  Colloque commémoratif du 150e anniversaire de la naissance du doyen Léon Duguit, éd. Bruylant, 2011, p. 3-28 ;  (avec Jean-Michel Blanquer) une biographie croisée, L’invention de l’Etat. Léon Duguit, Maurice Hauriou et la naissance du droit public moderne français, Paris, Odile Jacob, 2015, 398 p.

 

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